Si les résultats de cette étude de l’Université du Michigan reflètent l’expérience d’une seule institution, la Michigan Medicine, ils viennent confirmer sous un nouvel angle, la profonde détresse des adolescents associée à la pandémie et aux mesures de distanciation et de confinement. Cette étude, publiée dans la revue Pediatrics, révèle en effet, un pic des hospitalisations pour troubles du comportement alimentaiere (TCA) chez les adolescents, illustrant ainsi l’impact considérable de la crise sanitaire sur la santé mentale et physique des adolescents à travers le monde.
L’hôpital du Michigan a ainsi accusé une augmentation significative des admissions d’adolescents souffrant de troubles de l’alimentation existants ou aggravés pendant la pandémie. Le nombre de ces admissions a ainsi plus que doublé au cours des 12 premiers mois de la pandémie.
« Chez les adolescents souffrant de troubles de l’alimentation et ceux à risque de TCA, ces perturbations ont aggravé ou déclenché les symptômes ».
Ce sont 125 hospitalisations parmi les patients âgés de 10 à 23 ans qui reflètent une augmentation significative par rapport aux années précédentes et sont ici passées au crible : « ces données soulignent à quel point la pandémie a profondément affecté les jeunes, qui ont connu la fermeture de leurs écoles et lycées, l’annulation des activités parascolaires et l’isolement social. Leurs vies ont été bouleversées », commente l’auteur principal, le Dr Alana Otto, spécialiste de médecine de l’adolescence, à l’hôpital pour enfants CS Mott de l’Université du Michigan.
« La pointe de l’iceberg » : ces données de traduisent qu’une fraction des jeunes et des moins jeunes qui souffrent de troubles de l’alimentation aggravés ou déclenchés par la pandémie, commentent les chercheurs, alors que l’hospitalisation pour cette indication reflète la gravité des formes de TCA. Au-delà, l’étude suggère que les effets négatifs de la pandémie sur la santé mentale pourraient être particulièrement profonds chez les adolescents plus vulnérables, souffrant déjà de troubles de l’alimentation. « A ce stade, nos estimations sont vraiment prudentes », écrivent les chercheurs.
Le taux d’hospitalisation a augmenté régulièrement au cours de la première année de pandémie. Les taux les plus élevés d’admissions par mois se sont produits entre 9 et 12 mois après le début de la pandémie, ces taux continuant d’augmenter à la fin de la période d’étude en mars 2021.
Quels TCA ? Les troubles alimentaires ayant nécessité ces hospitalisations comprennent principalement l’anorexie mentale caractérisée par une restriction alimentaire, un exercice excessif et/ou la « purge » visant à perdre du poids.
Les facteurs en cause, dans ces cas, restent « la génétique », les facteurs psychologiques, les influences sociales, une faible estime de soi et des symptômes dépressifs. Cependant, l’analyse montre l’impact des changements dans la vie quotidienne ou de « routines », notamment dans l’alimentation et l’exercice, « favorables » à ce développement des comportements alimentaires malsains chez des sujets déjà à risque élevé. « Pendant la pandémie, l’absence de routine, les perturbations des activités quotidiennes et le sentiment de perte de contrôle sont autant de facteurs contributifs possibles. Pour de nombreux adolescents, lorsque tout semble incontrôlable, la seule chose qu’ils sentent pouvoir contrôler est leur alimentation ».
« Une période si stressante peut entraîner le développement de symptômes chez un jeune à risque de TCA »
Les limitations dans la pratique d’un sport et d’autres activités physiques induit aussi chez de nombreux adolescents la crainte de prendre du poids, ce qui entraîne une modification du régime alimentaire ou de la pratique de l’exercice. L’utilisation accrue des médias sociaux pendant la pandémie aura pu également exposer les jeunes à des messages plus négatifs sur l’image corporelle et le poids. Enfin, il ne faut pas occulter les cas de malnutrition sévère…
Demande accrue mais un accès limité aux soins : les auteurs soulignent l’insuffisance générale, dans cette période de tension du système de soins, des services de soutien en santé mentale et plus généralement de soins pour les conditions non COVID-19, y compris pour les troubles de l’alimentation.
Si l’étude peut sembler limitée par la petite taille de son échantillon, elle intervient alors que les rapports internationaux indiquent une augmentation des orientations de patients adolescents, jusque-là suivis en ambulatoire, pour anorexie mentale, vers l’hospitalisation. Ces résultats localisés semblent donc conformes aux dernières données sur la santé mentale et physique des adolescents, un groupe particulièrement vulnérable aux effets négatifs des bouleversements sociétaux liés à la pandémie.
Enfin, pour ces adolescents souffrant de troubles de l’alimentation, l’admission à l’hôpital est souvent le début, et non la fin, du traitement, qui peut être un long parcours.
« Nous nous attendons à voir les effets considérables et à long terme en aval de la pandémie sur les adolescents ».
Source: Pediatrics 1 July, 2021 DOI: 10.1542/peds.2021-052201 Medical Admissions Among Adolescents With Eating Disorders During the COVID-19 Pandemic
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