L’idée largement partagée selon laquelle l’allaitement maternel favorise le développement de l’immunité chez le bébé est éclairée et documentée par cette nouvelle recherche, qui apporte de nouvelles preuves claires des avantages immunitaires de l'allaitement maternel. Cette étude, menée à l'Université de Binghamton (New York) confirme cet avantage « pro-immunitaire » mais révèle aussi que le lait maternel peut éduquer par erreur le système immunitaire du bébé à se retourner contre des bactéries sans danger.
« On entend le plus souvent que le lait maternel est un support de transfert d'anticorps maternels aux nourrissons mais le processus sous-jacent à cet effet pro-immuntaire du lait maternel est certainement bien plus large. Le système immunitaire du lait est un système complet, capable de développer des réponses immunitaires », explique Katherine Wander, auteur principal, par ailleurs professeur agrégé d'anthropologie à l'Université de Binghamton.
« Nous commençons tout juste à comprendre le rôle du lait et toute son étendue sur le système immunitaire ». Ainsi, le lait maternel contient tout ce qui est nécessaire pour déclencher des réponses immunitaires, des anticorps à plusieurs types de cellules immunitaires et plus encore. Bien qu'ils proviennent du système immunitaire de la mère, ces composants du lait semblent être conservés plutôt que sélectionnés au hasard dans le sang de la mère, bien que ce mécanisme reste mal compris.
Mieux comprendre le rôle clé du lait maternel sur l’immunité du bébé
L’équipe de recherche a suivi près de 100 paires mère-enfant dans une région de Tanzanie (le Kilimandjaro) où l’allaitement prolongé est la norme et où les maladies infectieuses pendant la petite enfance sont très courantes.
L’étude : afin de tester l'impact du lait maternel sur le système immunitaire du bébé, les chercheurs ont combiné quelques millilitres de lait avec une petite quantité de bactéries, puis ont placé le mélange dans un incubateur pendant la nuit. Ils ont ensuite mesuré l'augmentation de l'interleukine-6, une molécule de communication des cellules immunitaires qui favorise l'inflammation. Cette réponse in vitro donne une indication de la façon dont le système immunitaire induit par le lait est susceptible de répondre aux bactéries rencontrées dans le corps du nourrisson. L'équipe a également suivi les nourrissons pour évaluer si ceux qui recevaient du lait maternel présentaient un risque moindre de maladies infectieuses. Ces expériences démontrent que :
- les nourrissons qui ont reçu du lait maternel présentent bien une réponse plus marquée à Salmonella, encourent un risque réduit de maladies infectieuses, en particulier d’infections respiratoires telles que la pneumonie ;
- le lait qui « monte » ou déclenche des réponses plus importantes à Salmonella déclenche également des réponses plus fortes à une souche bénigne d'E. coli, courante dans le tractus intestinal humain, sachant que ces dernières réponses ne sont pas bénéfiques pour les nourrissons ;
- les nourrissons qui montent ces réponses plus fortes à E. sont en effet plus à risque d'infections gastro-intestinales. Cela suggère aussi que des réponses inappropriées du système immunitaire du lait – par exemple, aux bactéries normalement présentes dans l'intestin – peuvent être perturbatrices.
L’étude révèle donc, ce qui est rare,
un inconvénient du lait qui constitue une découverte surprenante.
Car les scientifiques s’attendaient que le lait soit suffisamment finement et naturellement réglé dans sa composition pour protéger les nourrissons contre les infections. Cependant, cet inconvénient doit être mis en regard de la réduction de risque d'infection, notamment respiratoire, et de l’efficacité boostée du système immunitaire du nourrisson à réagir aux bactéries dangereuses.
« Nous devons mener d’autres recherches encore pour comprendre comment les réponses immunitaires sont médiées par le lait maternel, contre différentes infections dont l'infection à VIH ou différentes conditions, comme la malnutrition ».
Cette recherche peut avoir des applications qui vont au-delà de la petite enfance et de l'allaitement. Comprendre comment le système immunitaire a évolué pour trouver un équilibre entre les bénéfices en matière de protection et certains risques, pourrait aider à faire la lumière sur de nombreux problèmes de santé, de la diarrhée et de la pneumonie infantiles aux maladies auto-immunes.
Source: Evolution Medicine and Public Health June, 2022 DOI: 10.1093/emph/eoac020 Tradeoffs in milk immunity affect infant infectious disease risk
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