Les progrès technologiques du dépistage génétique et les dernières techniques de reproduction assistée pourraient théoriquement offrir aux parents le choix des différents traits de leurs futurs enfants, au-delà de la prévention des maladies génétiques graves. Cet expert du Centre Hastings, un Institut de bioéthique américain (New York) reconnu, appelle aujourd’hui au débat national sur la manipulation mitochondriale dans la procréation médicalement assistée, sa sécurité et ses implications éthiques. Son point de vue, publié dans la prestigieuse revue Science, appelle à réaffirmer et à redéfinir la parentalité à l'ère génomique.
Thomas H. Murray, président émérite du Centre Hastings réagit aux récentes consultations publiques organisées, il y a quelques semaines, à l'initiative de la US Food and Drug Administration (FDA) pour examiner s'il convient d'autoriser les essais humains de cette nouvelle méthode de procréation assistée.
Le remplacement des mitochondries consiste à « créer » un embryon avec l'ADN nucléaire de la future mère et du père et l'ADN mitochondrial (contenant 37 gènes) d'un donneur sans défauts mitochondriaux. La technique comporte le prélèvement des noyaux des spermatozoïdes du père et de l'ovocyte de la mère du sperme et de l'ovocyte, donc sans les mitochondries défectueuses, puis l'injection dans un ovocyte provenant d'une donneuse dont on a extrait le noyau mais conservé les mitochondries.
L'objectif est prévenir les maladies mitochondriales en remplaçant les mitochondries de la mère – L'ADN mitochondrial est transmis uniquement par la mère- avec les mitochondries saines d'un donneur, pour obtenir un embryon sain. 1 enfant sur 200 nait chaque année avec une forme de maladie mitochondriale (Voir visuel de gauche) avec des symptômes plus ou moins sévères et très variés, allant de la faiblesse musculaire aux maladies cardiaques et jusqu'à une espérance de vie réduite. Avec cette technique, l'enfant pourrait échapper à ce risque mais aurait le matériel génétique de 3 personnes, une majorité venant de la mère et du père, mais un petit 1% de l'ADN mitochondrial d'un troisième donneur.
A noter, cette technique fait également, depuis fin 2012, l'objet d'un débat animé au Royaume-Uni.
Parmi les préoccupations d'ordre éthique soulignées par l'auteur, la transmission, par les filles issues de cette procédure de cet ADN mitochondrial « tiers » à leurs enfants. Or il s'agit d'une modification génétique portant sur plusieurs générations, ce qui ne s'est jamais vu et n'a jamais même été envisagé. Ensuite, l'enfant pourra-t-il connaître son «troisième parent», la technique pourrait-elle avoir un impact psychologique, n'est-ce pas le début d'une utilisation trop élargie de ces techniques ?
La question posée est plus large : Que signifie « avoir un enfant » à notre ère de convergence entre les technologies génétiques, génomiques et reproductives ? La perspective, proche, de tests sanguins du sang de la femme enceinte, permettant d'analyser l'ADN du bébé porté, est à prendre en compte.
Qu'est-ce que la parentalité à l'ère de la génomique ? L'expert appelle à un débat national sur les technologies actuelles et émergentes qui vont façonner et façonnent déjà les choix que les parents qui passera aux Etats-Unis, comme en France par la Commission des questions de bioéthique. Il s'agit, écrit-il, « de parvenir à une évaluation réaliste des choix auxquels parents risque d'être de plus en plus confrontés et d'encourager un dialogue respectueux sur le sens de la parentalité et le respect de l'enfant ».
Sources: Science 14 March 2014 DOI: 10.1126/science.1248080 Stirring the Simmering “Designer Baby” Pot et Hasting Center
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