La diphtérie aussi développe une résistance aux antimicrobiens et cette infection pourtant facilement évitable avec la vaccination, risque de redevenir une menace mondiale majeure, alerte aujourd’hui cette équipe de chercheurs de l’Université de Cambridge. Deux causes de ce « retour » sont évoquées dans la revue Nature Communications : l'impact de la pandémie de COVID-19 sur les calendriers de vaccination et l’augmentation de fond du nombre d'infections.
La diphtérie est une infection très contagieuse qui affecte le nez et la gorge, et parfois la peau. En l’absence de traitement, la maladie peut être mortelle. La maladie est principalement causée par la bactérie Corynebacterium diphtheriae et se propage principalement par la toux et les éternuements, ou par contact étroit avec une personne infectée. Dans la plupart des cas, les bactéries provoquent des infections aiguës, provoquées par la toxine diphtérique – la cible clé du vaccin. Cependant, C. diphtheria non toxigène peut également provoquer des maladies, souvent sous la forme d'infections systémiques.
Le nombre de cas de diphtérie signalés dans le monde augmente progressivement.
Au Royaume-Uni, lieu de l’étude mais aussi dans de nombreux pays à revenu élevé, les bébés sont vaccinés contre l'infection. En France par exemple, la vaccination DTP, simplifiée depuis 2013, comporte 2 injections aux âges de 2 mois et de 4 mois, suivies d'un rappel à 11 mois. Cependant, dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, la maladie provoque toujours des flambées d’infections dans les communautés non vaccinées et partiellement vaccinées. Ainsi, en 2018, 16.600 cas ont été recensés dans le monde, soit plus du double de la moyenne annuelle sur la période 1996 à 2017, soit un peu plus de 8.000 cas chaque année.
La génomique pour comprendre la propagation : l’équipe britannique avec des collègues indiens utilise la génomique pour cartographier les infections, y compris un sous-ensemble de l'Inde, où plus de la moitié des cas signalés dans le monde se sont produits en 2018. En analysant les génomes de 61 bactéries isolées chez des patients et en les combinant avec 441 génomes répertoriés, les chercheurs ont pu construire un arbre phylogénétique qui illustre le lien entre les différentes infections et permet de comprendre comment elles se propagent. Cette analyse génomique a également permis d’évaluer la présence de gènes de résistance aux antimicrobiens.
Des grappes de bactéries génétiquement similaires isolées de plusieurs continents, le plus souvent d'Asie et d'Europe. Ces résultats suggèrent que C. diphtheriae s’est propagée avec les migrations. 18 variantes différentes du gène tox, qui code pour la protéine diphtérique le principal composant pathogène de C. diphtheriae, sont identifiées.
Mutations et vaccin : Le vaccin contre la diphtérie est conçu pour neutraliser la toxine, de sorte que toute variante génétique qui modifie la structure de la toxine peut avoir un impact sur l'efficacité du vaccin, souligne l’auteur principal, le professeur Gordon Dougan du Cambridge Institute of Therapeutic Immunology and Infectious Disease (CITIID). Ainsi, si les données actuelles ne suggèrent pas que le vaccin actuellement utilisé sera inefficace, la diversité croissante des variantes de la toxine suggère que le vaccin et les traitements qui ciblent la toxine doivent être régulièrement réévalués.
Mutations et antibiorésistance : Les infections diphtériques peuvent généralement être traitées avec un certain nombre de classes d'antibiotiques. A ce jour, la résistance de C. diphtheriae aux antibiotiques reste mal documentée, soulignent les auteurs. L'équipe a donc recherché des gènes résistance aux antimicrobiens et constate que le nombre moyen de ces gènes de résistance par génome augmente chaque décennie. Ainsi, les génomes de bactéries isolées ces dix dernières années présentent le nombre moyen de gènes de résistance par génome le plus élevé. Ce nombre moyen a été multiplié par 4 par rapport à la décennie précédente.
«Le génome de C. diphtheriae est complexe et incroyablement diversifié. Il acquiert une résistance même aux antibiotiques qui ne sont pas utilisés dans le traitement de la maladie ». L'érythromycine et la pénicilline sont les antibiotiques de première ligne pour traiter les cas confirmés de diphtérie à un stade précoce mais d’autres classes sont également utilisées pour traiter l'infection plus avancée. L'équipe a « trouvé » des variants résistants à 6 classes.
COVID-19 a eu un impact négatif sur les calendriers de vaccination des enfants dans le monde entier et survient à un moment où le nombre de cas signalés augmente, 2018 affichant la plus forte incidence en 22 ans.
Ces scientifiques tirent un signal d’alarme, appelant à une meilleure surveillance de la maladie et de la vaccination, mais aussi à un séquençage du génome plus systématique de la bactérie.
Sous peine de nouvelle menace sanitaire majeure…
Source: Nature Communications 8 Mar 2021 DOI: 10.1038/s41467-021-21870-5 Spatiotemporal persistence of multiple, diverse clades and toxins of Corynebacterium diphtheriae
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