Ces experts de l’Université de Bergen (Norvège) s’intéressent aux maladies génétiques rares et parmi ces maladies, la phénylcétonurie, une maladie qui non traitée entraîne immanquablement un déficit cognitif progressif. L’équipe documente ici dans la revue Nature Communications, le premier modèle animal de la maladie, une souris modèle présentant l'une des mutations humaines les plus courantes de la maladie. A partir de ce modèle, l’équipe révèle qu’au-delà du déficit en phénylalanine hydroxylase caractéristique, les modèles animaux utilisent plus de graisses et de protéines comme source de carburant métabolique avec pour conséquence des niveaux élevés de stress oxydatif, en particulier au niveau du foie. Un nouvel effet qui pourrait être ciblé par de nouvelles thérapeutiques et qui pourrait également consituer un marqueur de la maladie.
En Norvège, lieu de l’étude, tous les nouveau-nés sont testés pour 25 maladies génétiques rares – dont pour la phénylcétonurie- dans le cadre du programme de dépistage néonatal. En France, ce même dépistage systématique réalisé 3 jours après la naissance déclenche, en cas de diagnostic, la mise en œuvre d’un régime alimentaire pauvre en protéines qui va permettre de normaliser les taux de phénylalanine – avec dans certains cas, un traitement médicamenteux associé. Les patients atteints de phénylcétonurie devront éviter à vie tous les aliments ou presque, contenant des protéines.
En l’absence de cette alimentation appropriée, la maladie entraîne un déficit cognitif sévère.
«Le fait de ne pas appliquer le régime alimentaire dès la naissance peut entraîner des problèmes physiques irréversibles et des lésions cérébrales, et pour maintenir une fonction cérébrale optimale, les patients doivent observer ce régime à vie », explique l’auteur principal, le professeur Aurora Martinez du département de biomédecine de l'Université de Bergen.
La découverte de niveaux de stress oxydatif plus élevés chez les modèles de la maladie
L'enzyme phénylalanine hydroxylase (PAH) décompose l'acide aminé phénylalanine (Phe). Les mutations de PAH caractéristiques de la maladie induisent un repliement anormal de l’enzyme PAH également dysfonctionnelle. Des niveaux toxiques de phénylalanine s’accumulent dans le sang et le cerveau.
Un premier modèle animal de la maladie : les experts ont développé une souris modèle porteuse de l'une des mutations humaines les plus courantes de la maladie (Pah-R261Q). Si a comparaison de ce modèle avec des souris de type sauvage ne révèle dans un premier temps que résultats assez similaires, une différence saute aux yeux des chercheurs : la souris mutée présente un poids corporel bien plus élevé, avec des particularités métaboliques : ces souris mutées Pah-R261Q utilisent plus de graisses et de protéines comme source de carburant métabolique.
Avec pour conséquence, un stress oxydatif plus élevé chez ces souris mutées, une caractéristique jusque-là inconnue de la maladie, mais qui pourrait bien expliquer certaines des comorbidités trouvées chez les patients adultes atteints de phénylcétonurie. Les chercheurs constatent que les enzymes PAH mutées forment « d’énormes » agrégats, dont la décomposition induit des quantités élevées de stress oxydatif, en particulier au niveau des cellules hépatiques.
Ce nouvel effet délétère résultant de la formation de gros agrégats de protéine mutée pourrait être ciblé par de nouveaux traitements mais pourrait aussi être un marqueur précieux de l’évolution de la maladie et de la réponse au régime alimentaire et au traitement.
Source: Nature Communications 06 April 2021 DOI: 10.1038/s41467-021-22107-1 The Pah-R261Q mouse reveals oxidative stress associated with amyloid-like hepatic aggregation of mutant phenylalanine hydroxylase